NOTES DIVERSES 

 

 Ici sont rassemblées quelques réflexions en vrac entre mes 18 et 21 ans, écrites sur le vif, le plus souvent durant mes insomnies.

 

Il ne s'agit pas ici d'un exercice littéraire ou de poésie : les mots me viennent lorsqu'un ressenti particulier a besoin

de prendre forme et que les arts graphiques ne sont plus suffisants ou adéquats. 

 

 

 

 

PIANO NOCTURNE

 

Il ne faut rien freiner .

 

Il est mauvais de repousser avec hargne et fausse placidité nos sentiments les plus fragiles, émotionnels et sensibles . 

 

J’écoute les larmoyantes touches ivoires lourdes et penaudes s’activer près de mes oreilles et ma voix éreintée fredonne ces quelques sons déchirants et chauds à la fois . 

Branlante et craintive , elle se casse par endroits et la sensation me vient de vouloir pleurer , doucement . 

Cet état semi permanent d’émoi vif et piquant , qui déferle comme la brisure d’une vague aussi furieuse qu’inattendue , je suis de l’avis que nous ne devons pas en rougir, quelqu’en soit l’instant T au sein duquel il se manifeste . 

 

J’ignore ce que la fermeté et la solidité contemporaine signifie mais il est établit que de nos aïeux, seuls les fous ne mouillaient pas de larmes leurs jointures rugueuses, âpres . 

 

Et qu’advient il lorsque le stylo n’a plus d’encre ? 

 

Il sèche enfin, vraisemblablement .

 

De cette couleur caligineuse et finement bleutée que nous pensions intarissable et que le ciel drapé du clair de lune seulement pourrait jalouser . 

 

Ce même quartier flavescent qui garde aux creux de ses murmures venteux nos espoirs les plus chétifs , de son unique œil bienveillant , de son influence matricielle , de ses volutes nocturnes ignées . 

 


 

VIVENT

 

Le vent façonne le monde, son sol , ses océans, ses montagnes, ses colonisations bactériologiques et ses microsystèmes . 

 

Le vent transporte , module, crée .

 

Les fleurs se reproduisent pour certaines

par système de dissémination . 

De petites graines se détachent de la fleur et s’envolent, au moyen de quelques structures prompt au transport aérien comme de fines membranes duveteuses et infiniment légères , si tant est qu’une notion de poids pourrait leur être appliquées.

D’autres, au moyen de prolongement de structure, comme une feuille enveloppante dont les tissus évolutifs cellulaires sont visibles par filigrane.

 

Individuellement ou collectivement, ces graines dites « parachutes » , se laissent virevolter de parts et d’autres des caprices venteux, jusque la dernière valse créatrice .

 

Leur chemin est tout à fait aléatoire et dit « chaotique » .

Une infinité indénombrable de courbes de destinées sont envisagées, à chaque millième de seconde du voyage. 

Sans prévenir, le vent modifie son parcours, à intervalles et vitesses irréguliers .

 

                            ░ ▒░ ▒░ ▒░ ▒░ ▒░ ▒

 

Quel sens donner à la Vie ?

 

Cette question est le terreau de la Philosophie,

science de l’esprit . 

La seule activité qui ne s’exerce , mute et ne se fonde que dans l’expérience individuelle cognitive . 

Nulle leçon à assimiler, si ce n’est par partage et curiosité,

à entrevoir .

 

Pourquoi sommes nous vivants ? 

 

Quelle est la finalité ultime de notre vie humaine , de celles des autres espèces et du monde qui nous entoure ? 

Quelles sont les limites de notre savoir, à quoi de fondamental échappons-nous ?

 

Il y a quelque chose, forcément .

Il y a toujours quelque chose .

Il y a toujours, car il y a eu . 

 

Car l’ «avant» souligne l’imminence immaculée de l’«après». 

Cette question traverse avec cette identique intensité et virginité les Âges de l’Homme . 

Quand la masse se fondait tendrement dans la plénitude des plaisirs simples de son existence, certains hommes ne revenaient pas du voyage .

 

Tous, nous y avons songé un jour .

 

« Pourquoi ? »

 

Mais beaucoup ont su contourner cet imposant et vertigineux menhir introspectif , pour prolonger leur route , dans l’aisance supportable de ces interrogations . 

Ils sont revenus de cette rencontre avec eux-mêmes ,

parfois seulement brève et furtive . 

 

Ils disent , et tous nous le confirmerons en se prêtant à la définition communément admise, « vivre » . 

 

Mais certains de leur pairs n’en sont jamais revenus, ils sont restés là , assis, à contempler cet édifiant rocher mystérieux, dans l’incapacité de s’en défaire complètement, d’en détourner plus de quelques nuits le regard .

 

Ceux là , ce sont les penseurs .

 

Chaque époque eut ces voyageurs perdus ,

chaque peuple, chaque communauté . 

On les reconnait à ce regard à surprendre,

errant sur une entité invisible , face à eux . 

 

Souvent raillés et incompris, leur grand écart entre les piliers de l’espace temps mettent mal à l’aise quiconque s’occupe de sauter à pieds joints entre ces colonnes de marbres . 

 

Quiconque s’occupe des affaires matérielles et vitales de leur quotidien, quiconque souhaite assurer leurs pérennités et succès . 

Quiconque souhaite s’inscrire dans le cadre social choisi et voulu , au détriment volontaire de la vulnérabilité .

 

Ils voient en ces hommes le reflet de leur passible absence, de leur perdition. Se reflète en eux leur propre condition et le même vide étourdissant enveloppant leur vie.  Ils leur reprochent alors le capricieux équilibre du temps , qui les fera vieillir sans reconnaissance ni vérité. Ils soulignent avec aigreur, sarcasmes, craintes , bienveillance ou indifférence mal contenue le caractère vain et prétentieux de leur Entreprise .

 

Certains acteurs de la communauté scientifique rencontrés qualifient mon processus cognitif  comme étant "neuro-atypique" lorsque d'autres acteurs au parcours scientifique non vérifié bien que vanté m'affublent cette fois de la nomenclature  "surdouée de l’hémisphère droit" ou encore " HPI ", selon les différents verbiages empruntés. La crédibilité , pertinence et véracité de ces termes et de la catégorisation des processus cérébraux étant à mon sens grandement discutable et certainement erroné, mais il s'agit là d'une autre réflexion.

 

Il y a peu, un large groupe de personnes qualifiées donc de "surdoués" discutait de la possible théorie selon laquelle les êtres pensant plus que leurs congénères feraient peut être, dans une époque où nous parlons d’intelligence artificielle, de transhumanisme et d’humains « ajoutés » ; déjà partis de cette mutation de l’humanité, d’une évolution déjà supplémentée de l’Homme. 

 

Ils donnaient crédit à la surpuissance novatrice de leur sur-efficience mentale, au vu du reste de la majorité actuelle , avant l’apparition prévisible des robots humanoïdes indépendants . Ils se plaçaient entre la future création de notre espèce, et leurs pairs. 

Leurs collègues, leurs voisins, leurs amis.

 

Ils balayaient par delà même tous les penseurs qui bâtirent notre monde. 

 

D’un revers puissant d’Ego aiguisé et tranchant, ils se considéraient alors comme une version supérieure et sans précédent d’hominidé , au seul motif de leur activité cérébrale intensive et prenante. Ils se sont , dans une bêtise facile, regroupés sous la forme d’un communautarisme élitiste éhonté et garant de la promotion du Vice humain .

 

À cette idée, j’eu envie d’écrire . 

 

Par pour eux , ni pour moi . 

Mais pour ça 

 

J’eu envie d’adresser une Lettre à ces ancêtres de toutes parts, de toutes ethnies, de tous langages, de tous âges, de toutes couleurs, de toutes époques de l’Humanité , qui comme moi , ont passés dans un silence de commodité sociale leur vie assis face à cette pierre .

 

Qui l’ont touchée, sentie, goûtée , désirée , qui se sont heurté au sang bleu de l’encre contre sa paroi muette et figée , qui ont exultés du chant implorant de la parole leur détresse de comprendre . 

Qui ont couru , toutes armes dehors , vers ce monstre de néant , un de ces soirs d’insomnie, à s’en éclater le visage de milles douleurs . 

Qui ont rampé lentement, dans un souffle patient, vers ce qu’ils pensaient être le sommet de l’édifice et mains jointes dans une harmonie salvatrice, ont attendus un signe . 

Qui , remis aux mains de l’évidence , acceptèrent hors d’haleine leur éternelle ignorance, le doux sort de l’animal qui pense et se voit .

 

À ces hommes devenus philosophes, écrivains, chercheurs, professeurs, poètes, peintres et artistes . 

À ces hommes qui , de leur vivant, se sentirent infiniment seuls dans ce désarroi quotidien et trop commun au mal de leur espèce . 

À ces hommes qui comme moi, un jour, se sont demandés ce que ressentaient leur prédécesseurs face à l’impuissance de nos facultés cognitives . 

À ces hommes qui, déterminés à défaut de ne pouvoir vivre autrement que par la quête, se sont appliqués à tourner de toute leur énergie leur être vers l’Inconnu . 

 

Qu’il faille le faire passer par une plume, un pinceau, une voix, des fioles, des tableaux noirs ou des espoirs .

 

Leur pairs, de toute temporalité, tendaient à l’acquisition de quatre autres choses :

L’amour, la postérité, le gain, la puissance . 

 

Quand bien même ils les eurent souhaitées de toutes leurs forces , ils ne pouvaient prendre part à ces attentes de l’existence , car leurs regards suffocants ne respiraient d’autre vision que celle de la Vérité . 

 

Chaque coucher brûlant de notre grande Etoile leurs remémorait dans une mordante gifle cinglante que leurs temps et possibilités demeuraient plus étroits que la veille . 

 

Que le sursis de leurs pensées défilait sur la grande horloge inversée .

Que le décompte se mêlait avec fracas au tournis dense de leurs effusions contemplatives .

 

Qu’eussent alors pensé ces hommes qui , avec verve et véhémence, soutenaient la platitude de la Terre , projetés alors dans notre époque moderne où l’un de leurs confrères du nom de Stephen Hawking lance un projet de découverte de vie intra cosmos ? 

Qu’ eût pensé cet attendrissant florentin à la barbe abondante , qui, exclu de la sphère académicienne et du latin , présenta au monde les inventions les plus ingénieuses et audacieuses ? 

Qu’ eût pensé donc Léonard de Vinci en découvrant la flotte aérienne de notre pays ? Aurait – il continué d’observer les soubresauts de l’eau dans les cascades de son pays natal pour comprendre le mouvement et la dynamique ultime du développement de la Vie ? 

 

Qu’eût pensé Descartes qui , dans son manifeste de la méthode, décrivait pour la première fois la sublime mécanique biologique qui anime ces créatures, sous leurs poils soyeux et esthétiques en observant avec quel outrage les savants modernes eurent transformés cette science , à l’époque nouvelle, en justificatif indéfectible et incontestable de l’exploitation animale ? 

De quelle façon, son travail d’observation et de recherche pure, exempté de toutes conclusions éthiques , se retrouva souillé sous l’apostrophe de « pensée cartésienne » ?

 

Qu’eussent pensé Platon ou Aristote , de nos automatismes de pensées et de notre fonctionnement de lègue culturel ? 

De nos systèmes d’apprentissage, de nos rapports aux autres, de notre inter-connectivité et de notre creux sensoriel ? 

De notre culture inconsciente de l’absence de sens, pour mieux supporter l’insipide de nos existences ? 

Des mutations humaines et comportementales depuis leur grand départ ?

Qu’eussent pensé des hommes comme Athanasius Kircher, graphologue, cartographe et imaginatif d’exception, plongé dans l’anonymat froid de la stèle , du passage fulgurant et indolore de sa vie dans les nôtres ? 

Qu’eussent-ils pu penser du caractère fantomatique et presque inexistant de leur âme dans le monde d’aujourd’hui, dont on ne perçoit plus once de référence ?

 

De ce processus éternel de recommencement, où siècle après siècle, l’individu et son souvenir erre comme de l’anti-matière à travers ce qui fut son berceau et son cercueil ?

Se demandèrent ils aussi , dans une difficile déglutition lucide, ce qu’il adviendrait d’eux et de ce qu’ils ont été , après leur mort ? 

Se demandèrent ils si tout cela n’était pas effectivement vain et invisible, perdu dans cette vaste nébuleuse chimérique que demeure « La vie » ?

 

Sans doute eurent ils perçu le caractère impitoyablement éphémère de leurs amas de chair et de conscience . 

Sans doute eurent ils eu à trancher entre des journées présentes et des nuits qui voyagent .

 

Lorsqu’à mon tour je doute, je pense à eux . 

 

À ceux qui foulèrent ce sol

avant les talons précieux et chétifs de nos mères . 

À ceux qui se retrouvèrent, longtemps avant nous,

bien trop en arrière pour que les traces fossilisées de leur pas ne subsistent encore à nos yeux , assis dans cette même posture congénitale, les pupilles tremblantes et effrayées scrutant ce massif graniteux et impérieux .

 

Ce rocher , incontournable pour certains ,

mais insaisissable comme l’eau fuyante , pour tous .

 

Lorsque je doute, je recherche et d’un œil toisant demain,

je fouille pieusement hier .

Le terme rechercher pose avec sagesse les bases de cette activité répétitive , où l’on re-cherche dans les limbes des acquis humains . 

Nous errons toujours, par tâtonnements et maladresse, mais cette fois nous sommes épaulés de ces rugueux bras ancestraux , jadis eux-mêmes marchant coude à coude, avec leur aînés . 

 

L’accumulation des richesses cognitives,

voilà s’il ne devait en rester qu’un, le trésor de notre genre.

Sa préciosité tient en l’état qu’une génération seule puisse en statuer, irréversiblement . 

La Transmission, n’eu jamais été autant au cœur de nos lignées . 

Une trace , d’abord, sur la paroi menaçante d’une grotte . 

 

Se reconnaître Soi . 

 

Puis reconnaître les autres et enfin , parler . 

Communiquer, et transmettre . 

 

Voilà ce à quoi l’homme, depuis sa première espèce,

s’applique avec force et obligeance . 

Seul, l’homme périt.

Un homme silencieux ne diffère pas d’un homme mort . 

 

De l’écriture , la parole, le chant , l’architecture, l’imprimerie , les mythes, la tradition….jusqu’au monde Data ; 

Nous sommes au cœur d’une dynamique indélébile dont nous seuls, puisqu’il s’agit là de notre tour, sommes détenteur du flambeau et de son devenir .

 

Se référer au passé est un exutoire de raisonnement classique . Beaucoup se tournent vers des vestiges, des ruines, des espaces du Souvenir, des témoignages ; ils se projettent dans ces vies antérieures et éloignées ; ils tentent de ressentir , avec pour trait commun leur humanité, ce qu’eurent pu être les plus anciennes .

 

Dans mon cas, il ne fut plus incroyable expérience

que de simplement regarder le ciel . 

 

Dans son état brut et factuel . 

 

De cette simple observation d’étendue azur, mon corps tremblait d’émerveillement et de béatitude complice .

Si les sols terrestres ont connus milles reliefs et milles guerres , il survit une chose en son état intact et originel, que les yeux de tous mes pairs humains ont pu contempler, avec cette même intensité, couleur, clarté, justesse et exactitude : le ciel . 

 

Dans les tourments de leur individualités respectives, du premier au dernier homme de notre ère, chacun fit un jour comme mon corps le fit .

  

Ils restèrent là , debouts , de toute leur échine déployée et ils exécutèrent ce mouvement universel et innocent . 

Ils plongèrent les yeux dans cette immensité bleue

.

Et entre tous, il y avait nos penseurs . 

 

Voilà de quelle façon , lorsque je doute, je me sens vivente .

 

                            ░ ▒░ ▒░ ▒░ ▒░ ▒░ ▒

 

Nulle erreur ici d’orthographe .

 

De mes recherches nocturnes et fiévreuses,

il en est une qui côtoie mon esprit chaque jour .

Le caractère aléatoire de la vie est appelé

Chaos déterministe ou Paradigme du Non-Sens .

 

De récents travaux méritant d’humilité et d’honnêteté intellectuelle, inscrivent ce que nous appelons la Vie , dans un cycle de Chaos déterministe mais inscrit lui-même dans une dynamique supérieure que demeure le Paradigme du Sens . 

 

Théorisé entre autre par les caractéristiques de notre évolution comme l’héritage cérébral ou biologique , cette vision permet de justifier l’indicible rouage des choses et leurs raisons , en parallèle d’un « effet papillon » éprouvé de tous .

 

Je parlais en introduction du vent et de la danse des graines . 

 

Pour moi, du haut de mon petit vingt deux ans, voilà comment je justifie le présent , pour mieux vivre et respirer dans cette pièce reculée abritant ce questionnement incessant , saturé et bruyant .

De façon aléatoire, semblable au vent et aux graines, la vie nous disperse au gré de ses paradigmes, de ci de là , dans une logique qui nous échappe et dont jamais nous ne toucherons la commande . 

 

Muets tous deux, nous en entendons le bruit .

Invisibles tous deux, nous en ressentons les effets . 

Inodores tous deux, nous en humons les fruits . 

 

Un jour, le vent cesse, et la vie nous dépose doucement

en son sein, pour une ultime éclosion .

 

Lorsque je ressens l’écrasant poids de ma propre vie , je contemple absente ce ciel décisionnaire et comme une douce caresse rassurante, je songe à ces hommes qui un jour, ont ressentis ce même vent sur leurs joues rougies de fièvre .

 

Je songe à cette expérience commune et inquantifiable de participants . 

 

Je pense aux gens qui croisèrent, qui croisent et qui croiseront ma route et qui par un fabuleux et chanceux paradigme, furent, sont et seront présents aux parallèles et à la félicité de mon existence .

 

À l’heure où la reconnaissance humaine se fait rare et moquée, c'est les yeux émotifs et sensibles que je chuchote à ces hommes de tous espaces et de tous temps , ce vent et dôme céleste à l'horizon,

 

Merci .

 

Une vivente 


 

 

O CAPUT ELLEBORO DIGNUM  

Monde dans une tête de fou 

 

 

Il était de ces grands gourmands de sensations qui ne se couchent qu'à l'aube . 

 

D'une nuit de coutume agitée , de ses tourments continuellement bercé , il retira d'un geste vivace et presque maladif ces draps emprisonnant son corps abattu et, dans un flou aérien maladroit mais convaincu , il enfila sans chaussettes ses baskets déchirées ; il entoura sans plus de charme sa nudité de la première couverture trouvée . 

C'est alors motivé d'une hâte suffocante qu'il se précipita ouvrir grand ses fenêtres et sur les dalles froides et humides du petit matin ses pieds encore engourdis vinrent mouvoir sa silhouette jusqu'à la rambarde . Qui l'eut vu à cette minute suspendue de l'aurore l'aurait alors confondu sans pareille avec un fou . 

 

Laissant le vent frais rafraîchir ses jambes de toutes parts frissonnantes , il effectua dans une lenteur presque comique, des arabesques d'Ouest en Est . 

Humant avec un appétit vorace et presque désespéré cette odeur si particulière . 

De tous ses moments favoris et précieux, la ville silencieuse et endormie de 6h du matin était son préféré . Pour seule compagnie sonore , ses voisins ailés : corbeaux, pigeons et moineaux . 

D'une rare délicatesse, le temps ne semblait pouvoir se défaire de l'emprise solide et impérieuse du silence . Une quiétude dont on ne parvenait à en définir la forme ou l'essence mais dont on se délectait pieusement dans une attitude sincère et complice . 

 

Un chuchotement même de la nature, une éphémère confidence . 

Une invitation à la déliquescence privilégiée, lente et voluptueuse . 

 

Il s'imaginait avec envie coupable la disparition totale de ses pairs .

Il passait en éventail les fenêtres de toutes sortes, les rues , les grandes et petites portes .

Il se prodiguait à profusion le mirage désiré d’une solitude immense et réelle, seul survivant d'une humanité qui rencontre son heure . 

Soudain , et habitué de ses caresses invisibles, ses yeux s'embuèrent d'un coton chaud et familier . Pleurant les bras ouverts sur le Monde, il embrassa la joie gracieusement offerte en ce coucher de Lune et se dit , une larme roulant au coin de commissures émues , qu'il pourrait bien, à cet instant précis, mourir tant il était heureux .

 


LE MUTISME

 

Le mutisme chez le penseur représente l'aveu ultime de son humanité . 

De sa vulnérabilité propre , de sa nature primitive à évoluer et survivre dans un éco-système dont il se sait condamner à n'en jamais distinguer les murs . 


C'est une sagesse subie , de celle qui se meut en gracieuse intelligence ; la dénomination et l'identification du degré premier de sa pensée restant totalement impuissante et désabusée .
L'homme conscient physiologiquement d'effleurer un phénomène qui dépasse son espèce et sa lecture des phénomènes s'en retrouve alors naturellement contraint à l'absence de raisonnement ou de conclusions . 
Un silence qui prend de court et qui vient asseoir non pas une absence de son, mais une présence d'esprit incapable de trouver place dans les conceptions humaines déjà existantes .
Il faut alors ralentir la cadence sans en vexer son auteur à savoir nous mêmes et notre conscience du Je . Il faut doucement accepter cet état de fait et espérer tout au plus , grappiller quelques gouttes de ce nectar inconnu .
Cette action dont nous ne sommes les ultimes maîtres et qui trouve son énergie dans une partie inconsciente et sans accès , remue en nous une révolte sourde , un sentiment originel bien qu'oublié . Celui d'un jeune être propulsé dans un environnement qu'il ne visualise ni ne comprend , celui de l'émergence d'une identité et d'un Soi pour lesquels nous ne pouvons œuvrer, dépassés et confus que nous sommes . 
Cette impression de déjà vu lors des premières heures de notre existence qui scellèrent notre sort indépendamment de toute maniabilité et volonté de notre part . Un creux mince mais perceptible apparaît au fond de la poitrine et l'acceptation opère . Notre bouche et visage se referment lentement , faisant doucement place à cette conscience étrangère et fuyante .

 


A cette frustration enfantine succède alors un soulagement : le coup de grâce de notre lucidité qui tempère ce combat à sens unique pour en accélérer davantage sa mort . En bonne perdante, la lutte se retire comme une vague jadis trop houleuse et la sérénité nous revient , emplissant notre perception du monde de cette même confusion rassurante et surtout , coutumière .
Nous avons lâché les armes et confirmé une fois de plus , dans un calme qui nous survivra, les limites de notre raisonnement . 
Nous gardons seulement le souvenir vague et précieux de ce spectre ondoyant et rare , avec la conviction solide d'une rencontre certaine dans l'Imperceptible ou l’Innommable .

Comme le retour brut d'un rêve déjà oublié mais dont nous ne saurions douter de sa douceur .

Le texte suivant s'accompagne de ce tableau
Le texte suivant s'accompagne de ce tableau

 

LE BEAU

 

 

L' art n'est pas la reproduction du beau ou de l'esthétique . 

Quelques fois , les portraits sont ressemblants ,

les paysages crédibles : on s'incline . 

 

Mais cette pratique est en premier lieu une communication sourde, discrète et insidieuse qui permet tous les aveux , toutes les confidences . Elle expie les démons , chasse les ombres et bonnifie le tendre de nos âmes . 

 

Prenez pinceau , stylo , fusain peu importe et placez vous devant l'immaculée , le terrain vierge d'expression.

Pensez à quelque chose et laissez votre corps se mouvoir , sans prendre soucis du résultat. Le caractère graphique et "beau" ne sont que douces caresses sages en comparaison des limbes de votre esprit. 

 

Partez chercher la saveur , fut elle amère ou âcre. 

 

Ce matin je pensais à un thème particulier , je repensais à cette femme battue en pleine rue par son mari il y a un an dans mon quartier et qui m'avait presque valu une agression pour m'être interposée . 

 

À son regard suppliant , le bébé hurlant dans la poussette , pendant que son crâne résonnait contre un poteau électrique . Ce même regard qui hurlait au secours tandis que cet homme me menaçait en se rapprochant de mon visage . Cette crainte abattue et résignée qui articula ces dernières paroles " Madame... merci.. mais c'est mon mari Madame. " 

 

Ma fureur qui suivit

" Et alors ?! Il te tuera un jour, tu le sais ça ?? " 

 

Et ce murmure glacant qui clôtura le cauchemar " ... je sais. " 

 

Je pensais alors à cette question :

 

" Comment la femme passe t'elle

chez certains hommes

de la Mère , à la Salope ? " 

 

Comment ces bras moelleux et chauds de l'enfance ; cette figure de protection et de bienveillance éternelle a t'elle pu se muer en cet amas de chair que l'on piétine , emprisonne , souille et méprise ? 

 

Que l'on ne s'y trompe pas : les violences faites aux plus vulnérables ne sont évitées que par la grâce d'une société régie par des codes et des punitions , comme on condamnerait l'enfant capricieux qui malmène avec plaisir non dissimulé et ignorant un jouet ou un chat . 

 

Rien ne nous protège mieux aujourd'hui que le comportement appris , à coté duquel les pulsions primaires de notre espèce nous laisseraient agoniser le baillon dans la bouche .

 

Notre ADN possède un potentiel effroyable d'horreur et d'indifférence envers les plus faibles que des milliers de minorités , d'enfants , d'animaux, de femmes ou d'hommes à travers le monde continuent de subir . 

 

Acceptons avec volonté et détermination de voir et chercher le meilleur, mais n'ignorons pas à ce titre , le pire. 

 

Je lui bande donc les yeux de cette noirceur , lui noue les lèvres et lui pose un couperêt noir sous la gorge . 

Je ferme ses yeux de mes doigts et traine le fusain comme on éteint un mort . 

Je fais saigner de son oreille le blanc des immondices entendues , des blessures psychologiques infligées . 

J'abandonne là une femme incomplète, esquissant sa vie sans jamais s'en saisir . 

 

Chez l'homme endurci et désabusé je laisse le charbon contourer ses fiers traits , et y rajoute un fin trait blanc , discret et fragile : reste de respect et tendresse qu'une mère a du jadis lui inspirer . 

Enfin entre eux , cette couleur pourpre , violente , métallique , coagulante et virulente que je hais tant : le sang . Un rouge éclaté , seul lien final entre ces deux êtres biologiques . 

 

 

7 minutes sur une grande toile ,

support d'une pensée matinale,

qui disparaîtra dans l'heure sous

une épaisse couche de peinture . 

 

L' Art est une communication et ,

à sens unique du moins ,

un exutoire .

 


 

AQUA

 

Elle venait de loin . 

 

Mais n’étais pas une étrangère . 

 

Etranger à nous-mêmes ,

elle nous guidait sur les flots de l’Inconnu . 

 

Dans les particules de poussières dansantes

filtrant la clarté d’un matin , 

Son spectre ancestral apparaissait ,

souriant 

 

Le lagon brumeux du souvenir était son sanctuaire 

Du feu ardent d’une feuille d’automne ,

elle s’élevait , majestueuse 

 

Avant de choir

silencieusement dans tes cheveux , 

un après-midi de pluie . 

 

Fuyante , elle glissait , avec malice,

le long d’une tempe calleuse 

Mes mains frêles en recevait humblement le fruit 

Caressant leurs nervures et sinuosités,

elle murmurait . 

 

Le lointain écho torrentiel

de la vérité se fit entendre 

 

Fracas doucereux .

 

Le voyage commençait . 

 

Dormante,

dans la demeure filandreuse d’une araignée d’avril, 

Elle perlait . 

 

Le tapis ondoyant menait aux confins

des contrées chaudes et épicées 

 

Les tissus pourpres et miel des femmes arabesquaient 

Dans le sillon d’une brise timide 

Des voyelles d’enfants ,

perdues 

 

En volutes souples,

des lourds wagons écaillés,

s’échappaient la fumée 

 

Rejointe par le grésillement cendré 

D’une cigarette tendue 

D’une amitié 

 

Dans le brouillard diffracté de l’aurore, 

Les senteurs végétales s’unissaient

aux cotillons de la veille 

 

Jonchant le sol luisant 

 

                                       Au creux de ces sourires sages , 

                                            nichée dans les commissures , 

                                                                           elle chantait 

 

Le linceul floral , emporté par vents et prières, 

Rejoignait la rive voisine de l’au-delà 

Une amarre cuivrée retenait péniblement le dernier navire , 

Arrachant à la digue ses enfants de pierres 

 

Les rayons chaleureux éclaboussaient

de lumière les étales grouillants . 

Du petit poing, une petite fille resserre ses rêves 

Elle les visse au sommet d’une large épaule 

 

La dorure des graines de lin miroitaient dans les mets 

Préparés sur le séant du monde , 

Dans l’instant fugace d’un repas 

 

Traversant les vallées du temps, 

Inondant les tissus de la Terre, 

 

Je vis 

Je vie 

 

Jusqu’au dernier dégradé pastel, 

Jusqu’au dernier halo rougeoyant, 

Jusqu’au dernier couché d’Etoile 

Jusqu’à la dernière nuit de notre foyer 

 

    Elle restera 

     Au chevet de l’espoir, 

 

     Cristalline et offrante . 

 



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