ANDALOUSIE 

 

En route pour la Sierra Nevada ( ou pas )

 

TOPO

 

Mars 2017 , je décide d'embarquer mon meilleur ami qui m'accompagne depuis 7 ans, pour faire de l'auto-stop en Andalousie et rejoindre la Sierra Nevada 


MAIS RIEN NE SE PASSE COMME PRÉVU

 

#sauvetagedechien

#rémietsoncamion

#sourceschaudes

#santafe raveparty 

#pasdesierranevada

 

7 jours / 327 KM

 6 villes 

L'objectif était de randonner en autonomie à travers les montagnes de la Sierra Nevada, au départ de Malaga en stop . Je voulais emmener mon meilleur ami dans mes aventures baroudeuses et lui faire essayer le couch-surfing . Sa présence masculine et son 1m94 me permettait de mon côté d'essayer l'auto-stop que je ne pratique jamais seule . Notre sac à dos fin prêt, nous voilà partis !

Les paysages de la Sierra Nevada ( sur le papier )

L'itinéraire final parcouru !



PREMIER JOUR : On débarque en fin d'après-midi à Malaga chez notre couch-surfer Selcuk Kösemehmetoglu et son frère, tous deux originaires de Turquie . Kevin, mon meilleur ami, redoutait un peu de devoir parler anglais pour sociabiliser avec des inconnus et dormir chez eux mais cette première expérience fut parfaite ! Nous passerons la soirée tous les quatre à trinquer autour de plusieurs verres, nous discuterons absolument de tout, ils nous proposerons de fumer et de jouer à leur tout nouveau équipement de réalité virtuelle aha Après démonstration, mon meilleur ami eu la confirmation que le couch-surfing permettait d'être à l'aise comme à la maison, avec des amis que l'on connaîtrait depuis toujours . Au petit matin, direction le départ de la départementale pour l'auto-stop !

 

DEUXIÈME JOUR : L'errance dans la ville de Malaga débute, avec nos gros sacs, en quête d'un chauffeur pour nous prendre en auto-stop jusqu'à Motril, à une centaine de kilomètres . C'est notre première fois à tous les deux et nous rencontrons sur la baie un homme à vélo qui s'arrête en nous voyant déambuler : adorable, celui-ci nous explique que l'endroit n'est pas le bon et nous conseille une application smartphone pour nous aider . Dix minutes plus tard, nous tombons cette fois-ci sur un américain atypique qui nous prend d'amitié dans notre quête en nous expliquant que l'Espagne était le 2ème pays d'Europe le plus difficile pour l'auto-stop après l'Italie . Allons bon aha Il rigole et nous accompagne à un arrêt de bus en nous énumérant les pays qu'il a traversé puis nous met tous les deux comme des enfants dans un bus, avec un arrêt indiqué : direction le rond point à la sortie de la ville ! Nous rencontrerons plusieurs personnes pour nous emmener jusqu'à Motril dont un certain Hamilton Beneficio, un médecin super sympa et qui roulait bien vite ! aha ( on a même un peu hésité au départ, en le voyant débouler ..! ) 

Une fois arrivés à Motril et après plusieurs chauffeurs, nous trouvons quelqu'un pour nous rapprocher du village d'altitude Órgiva qui nous déposera malheureusement dans un endroit très peu fréquenté et désert, près du lac Guadalfeo . Le soleil commence peu à peu à baisser et personne à l'horizon durant deux heures : l'un essaye de bloquer les rares voitures dans un sens près d'un pont tandis que l'autre surveille les sacs . Finalement, c'est une femme d'une cinquantaine d'année, les cheveux blancs hirsutes, qui s'arrête brutalement avec son camion et descend rapidement nous ouvrir ! D'un caractère bien trempé et très nature, elle nous invite à jeter nos sacs dans le coffre et à monter à l'arrière avec son chien . L'habitacle est rempli d'objets personnels et de gri-gri, le camion n'est pas en très bon état mais qu'importe, cette femme nous inspire immédiatement confiance . Elle rigole un bon coup lorsqu'on lui dit vouloir grimper la Sierra et nous souhaite bon courage . Les virages défilent et enfin, nous apercevons les montagnes et leurs magnifiques paysages. Elle nous dépose au village peu avant la tombée de la nuit, nous installons notre camp à l'orée du bois et de la rivière puis l'on s'endort . Au réveil, nous sommes congelés : je tremblais si fort dans la nuit que mon cœur en palpitait de spasmes et j'étais à deux doigts de réveiller Kevin pour lui déclarer une hypothermie aha 

TROISIÈME JOUR : On comprend alors que la grimpe de la Sierra est complètement compromise : nous n'étions qu'au village d'Orgiva à 650m d'altitude tandis que nous voulions rejoindre le début de l'ascension qui était au village de Trévelez situé à 1476m d'altitude ! Les températures cette année là pour le mois de mars s'étaient révélées anormalement froides et nous n'étions pas du tout équipés en conséquences.  Nous levons donc trèèès rapidement le camp à la recherche d'une voiture pour monter vers Grenade, à 53km de là au nord, sans savoir ce que nous y ferons ! Après une quarantaine de minutes sans succès dans le froid matinal, nous décidons de remonter le long du village pour trouver à manger. On y découvre un endroit adorable, serpenté de plusieurs rues alambiquées et toutes les habitations étaient en pierre blanche. Près d'une fontaine, une vaisselle et une toilette rapide s'est alors improvisée. Puis, à la sortie du village, une voiture remplie de monde s'arrête pour nous prendre. Interloqués, on se dit que ce n'est pas pour nous mais la voiture fait marche arrière pour nous rejoindre. C'est finalement une famille qui se qualifie comme étant hippie qui accepte de nous mener directement jusqu'à Grenade : leurs vêtements sont atypiques et sur la banquette arrière, la mère du jeune homme conducteur transportait sur ses genoux des cageots de légumes : une production de leur village utopique en hauteur, qu'ils allaient vendre à la ville . Le village s'appelle Beneficio et plusieurs familles se sont installées pour y vivre à leur façon, de façon alternative. Tous semblent sereins et heureux, si bien que Kevin et moi s'endormons l'un contre l'autre durant le trajet, leur faisant confiance les yeux fermés :)  Lien concernant le village Beneficio 

Nous découvrons alors la ville de Grenade, déposés en son centre. Nos sacs lourds, la fatigue et la faim présentes et la déception de ne pas grimper les montagnes nous conduisent à nous poser quelques instants dans un café pour nous réorganiser. Et là, c'est le drame aha Comme il existe dans toutes réelles amitiés, on s'embrouille comme des gosses ! aha Kevin est déçu et j'essaye de le remotiver en lui expliquant que la baroude contient toujours son lot de déconvenues, d'attentes et de surprises ; qu'il ne faut pas baisser les bras. Je finis presque par l'abandonner sur le trottoir en lui disant " Si tu as ni faim, ni soif et que tu veux plus bouger, alors reste là ! Moi je vais trouver une montagne ! " On s'explique dans un parc et nous revoilà partis de plus belle ahah Nous avons deux gros caractères et nous sommes rarement en désaccord mais chacun à la maturité de toujours dialoguer dans ce cas de figure et c'est là où je veux en venir : il est très important lorsque l'on voyage à plusieurs, de bien expliquer son fonctionnement à l'autre et inversement . La communication est essentielleChaque voyage nous apprend et nous transforme, on arrive avec une idée vague de ce que l'on pourrait vivre, et on repart avec des images insoupçonnées plein les yeux . La baroude est particulière et c'est un rythme à prendre, en plus d'une zone de confort souvent réduite ; il faut accepter de marcher à l'aveugle sans tenter de contrôler les choses. Mon meilleur ami n'a pas échappé à la règle et vous verrez que l'Andalousie aura eu raison de son état d'esprit initial sur le vagabondage et le laisser-faire . Alors n'ayez crainte de partir avec vos amis, assurez-vous juste qu'ils soient adultes et vous pourrez résoudre ensembles tous les conflits ! Nous sommes donc en route pour Sacromonte à l'est de Grenade .  Apparaît alors un flanc de colline à gravir, jonché de plusieurs maisons troglodytes : une ambiance particulière demeure et en s'écartant des sentiers, on découvre plusieurs habitats sauvages installés en bord de rivière sous les routes pavées ou des grottes aménagées ! L'endroit est superbe et curieux à mesure que l'on s'enfonce dans la montagne, sans âme qui vive à l'horizon. Nous passerons la nuit à son sommet qui n'est pas trop élevé mais pour ne pas revivre le froid d'hier, j'emporte les morceaux de roches brûlant qui ont servis à entourer notre feu pour les glisser dans mon duvet . Durant le dîner, j'ai aussi pu me laver les cheveux dans les derniers rayons de soleil avec l'eau remontée depuis une fontaine à la sortie de la ville, à l'Ermita de San Miguel Alto.

Minute Anecdote :

 

Lorsque nous sommes montés au sommet de la petite montagne d'Albaicin, nous avons rencontré une infrastructure militaire, complètement grillagée et extrêmement surveillée. Nous avons été témoins d'un système d'alerte mis en place absolument ignoble et maltraitant une dizaine de chiens. Ceux-ci étaient répartis séparément dans des mini-couloirs grillagées qui, bout à bout, encerclaient le terrain protégé. Ces couloirs ne faisaient pas plus d'1m30 de largeur et 6m de long, une "niche" en bois complètement miteuse était à l'extrémité avec des gamelles de nourriture vide et sans eau. Les chiens, dans un état déplorable, étaient très agressifs et complètement fous du fait de notre présence. Condamnés à serpenter ces 6 mètres de long en large, toujours cloisonnés et enfermés, pour surveiller ce site étrange. La vision était insoutenable et cruelle. De retour à Paris j'ai découvert que le site était flouté sur Google Map . J'ai contacté la Mairie, la Police sans succès et j'ai questionné l'Armée de Terre espagnole directement sur Twitter tout en alertant les radios et chaines de télé locales. 

 

La maltraitance animale n'a pas de frontières ...

QUATRIÈME JOUR : Le lendemain matin, la vue est magnifique. Kevin se charge du petit déjeuner tandis que je redescend à nouveau la montagne pour nous ré-approvisionner en eau. Petit chocolat-chaud, yoga, nettoyage et nous levons le camp vers midi pour atterrir sur la place isolée que j'avais trouvé la veille : plusieurs tam-tams et percussions résonnent, nous entendons un groupe chanter et répéter leurs chansons. Devant l'entrée de ces petites ruelles, un terre plein est occupé par quelques camions aménagés . Nous repérons l'un d'entre eux entièrement recouvert de bois sur la façade arrière et ses occupants qui déjeunent dehors. Après avoir fait notre vaisselle à la fontaine, je dis à Kevin que nous devons absolument venir leur parler, je suis trop curieuse d'en voir l'intérieur et de sympathiser avec eux. Nous rencontrons alors Rémi et ses amis, tous issus d'horizons différents mais avec la passion commune du bien-être et l'appel de la nature, sans contraintes sociétales. Nous leur expliquons notre errance depuis l'abandon de notre projet de grimper la Sierra Nevada et on s'échange les numéros : ils nous conseillent le restaurant d'un de leurs potes en ville et Rémi nous propose de le retrouver vers 17h. Il nous emmènera peut-être dans son camion pour Santa Fe à une quinzaine de kilomètres où a lieu un festival clandestin au beau milieu des sources chaudes. 

Nous visitons Grenade et ses rues historiques puis allons manger chez leur ami  ( on en profite pour "se laver" dans les toilettes du restaurant, en screed aha ). J'ai un gros coup de cœur pour cette ville chaleureuse et ses nombreuses formes de vies alternatives qui y résident : un vent de liberté singulier souffle dans ces rues . Les couleurs sont chaudes, les senteurs épicées et fortes, et les hommes qui y vivent semblent animer d'une joie de vivre et d'un feu intérieur caractéristique . Très fleuries, les paysages sont animés et une âme artistique règne ici : de nombreuses illustrations ornent les murs devant lesquels évoluent plusieurs artistes de rues talentueux. Nous remontons progressivement jusqu'au Mirador de la Cruz de la Rauda pour rejoindre la place sur laquelle Remi nous attendait .

Minute Anecdote :

Au détour d'une rue animée, sous une ogive abritant un petit passage, nous croisons un chanteur de rue dont la musique rayonne à travers les environs. On s'arrête sur un petit muret en croquant dans nos fruits achetés plus tôt, et sa voix nous berce au soleil. Grenade a une saveur de liberté unique et douce. Je lui achète un de ces disques et découvre son talent sur Internet, son nom est Manuel de la CorralaDepuis ce jour, il peut compter une fan supplémentaire.

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C'est un Oui de la part de Rémi et nous embarquons dans son camion tous les trois à l'avant ! Un saut rapide dans un shop pour se ravitailler en nourriture/alcool et nous prenons la direction des sources chaudes de Santa Fe ! Le camion cahote sur les routes terreuses, le moteur vrombit péniblement et le chemin à prendre est incertain mais à la nuit tombée, nous arrivons finalement dans un champ privé peuplé d'oliviers. L'endroit ne se communique qu'au bouche à oreille et n'est répertorié officiellement nul part sur Internet ; tout le monde joue le jeu et garde précieusement le secret, nous en ferons de même. Mais si vous souhaitez vous y rendre, passez donc discuter avec les habitants de Grenade et des environs, ils vous donneront les indications ;) Il est environ vingt deux heures lorsque plusieurs voitures sont déjà positionnées à l'entrée du site et les premiers phares nous guident dans cette nuit noire et ce terrain à bosse, sans chemin. Du gros son techno, des rires, beaucoup de camions et de chahut : nous voilà au beau milieu d'une rave-party locale. Les amis de Rémi n'ont pas souhaité venir sur cette période car ils ne cautionnent pas les dégradations de ces festivals sauvages et ne veulent pas être assimilés à leurs participants ( souvent camés jusqu'aux dents ), ils préfèrent profiter des sources lorsque l'endroit est désert. Quant à nous, nous décidons de garer le camion au plus loin du mur de baffles et au plus près des sources pour être tranquille la journée ; nous prévoyons d'y rester 2 jours . Mais là, c'est le second drame !  Kevin était descendu indiquer à Rémi si la bosse que l'on voyait était surmontable avec le camion tandis que je restais assise à l'avant . Il donne son feu vert, Rémi fait marche arrière, prend de l'élan et s'élance dans l'obscurité. D'un seul coup, les phares pointent vers le ciel comme un navire chevauchant une vague, on se croit dans une attraction, on se dit " allez ça passe !" ... et BAM , les roues avant tournent à vide, on se retrouve plaqués au fond de notre siège, et inexorablement, on recule.. le cul du camion fini enfoncé dans la terre ! Marche avant et arrière impossible aha Nous sautons au sol depuis les portières puis s'ensuit deux longues heures de démontage du pot d'échappement, de déblaiement et de prières intenses. Finalement, le pépère à quatre roues parvient à se redresser et nous le garons plus loin, face à un champ vierge et sans camions. Soulagés, nous trinquons avec le rhum délicieux et fait maison de Rémi, qu'il a produit lui-même. La nuit peut débuter ! 

Nous arpentons les allées d'oliviers et découvrons une véritable installation nomade : des stands de nourriture, des roulottes animées, une centaine de camions aménagés et des murs de son à différents endroits. En l'espace de quelques jours, un mini-village s'était créé, comme une version andalouse et cheap d'un burning man organisé sous le manteau. L'aéroport est à quelques kilomètres, nous sommes entourés de champs sans habitations aux alentours. Puis nous découvrons les sources chaudes... ce fût là notre meilleure soirée de la semaine.

 

Comme souvent, je n'ai pas de photos des moments les plus intenses de mes voyages, mon téléphone restant volontairement à l'écart mais je vous dessine le tableau : deux heures du matin, la scène est éclairée par les phares jaunes d'une voiture qui transpercent les nuages épais de chaleur qui s'échappent de ces enclaves boueuses. En sous-vêtements, le reste de nos affaires en sûreté dans le camion, nous progressons à tâtons dans les sources, guidés par le bruit de l'eau et les voix occupant déjà ci et là leurs recoins. Dans la pénombre, on distingue des silhouettes nues, des rires et la disposition du lieu : on s'accroupit et on tente un orteil . Mazette ! Une piscine naturelle à 39° dans la nuit désormais fraîche. Les pulsations du mur de son parviennent jusqu'à nous et une grosse pierre a été posée sur l'arrivée d'eau pour former une mini-cascade ( le jeu devient alors de tenir assis sous la propulsion sans se faire éjecter). Les inconnus d'une nuit que nous formons soupirent d'aise, certains fument, se font des câlins, discutent ou boivent ; adossés contre la paroi de terre. Rémi, Kevin et moi sommes accoudés au rebord, le corps pantois et endormi, un sourire jusqu'aux oreilles avec nos verres dans la main. On repense à notre Sierra Nevada gelée que nous étions censée gravir en ce moment même, accentuant nos rires et l'absurdité de la situation.

 

Il y a de ces jours où il fait particulièrement bon de vivre. 

 

Nous sommes heureux d'avoir croisé la route de Rémi, de notre philosophie de vie commune et de cette amitié aussi superbe qu'improbable ; de grands débats s'engagent sur le Voyage et Kevin relâche définitivement la pression . Détendu, il nous dit que désormais il comprend ce que je voulais lui expliquer arrivés à Grenade sur ce que signifie prendre la route. Ce n'était pas une façon de se déplacer propre à moi, mais commune à tous les Voyageurs et Rémi le lui confirmait à son tour.  Paris semble loin, très loin ; rattaché à une dimension qui pourrait devenir étrangère tant l'ivresse de vivre se fait rapidement coutumière. Pour Rémi et moi, déjà passés de l'autre côté, cette coutume est devenue indispensable si bien que reposer définitivement le sac à dos n'est plus une chose envisageable : nous avons fait les choix nécessaires en conséquence. En parler tous les deux nous conforte encore un peu plus dans nos voies respectives, en dépit des difficultés potentielles qu'elles engendrent. Je suis également heureuse de retrouver mon meilleur ami que son quotidien m'avait un peu enlevé, éteignant trop souvent sa propre fureur d'Etre, amenuisant cette candeur enfantine qui nous est pourtant si précieuse ; heureuse qu'il m'ai suivi les yeux fermés et fait confiance ; heureuse de pouvoir transmettre cette joie quotidienne que j'éprouvai seule lors de mes pérégrinations et de partager cet outil illimité que demeure le Voyage aux personnes qui me sont chères ( j'ignorais encore à l'époque que je remplirai cet objectif personnel avec mes deux autres meilleures amies deux ans plus tard en les embarquant à leur tour sur le GR10 ) . La beauté réelle du Voyage tant difficile à récolter n'est pas la dimension physique, la zone de confort réduite, les privations, l'autonomie ou l'incertitude : ce nectar si rare, fuyant, inestimable et capricieux qu'il est divin de savourer c'est l'exigence du Présent. Désormais, je vois Kevin rire aux éclats dans ses vapeurs de rhum avec des inconnus qu'il est venu chercher dans les eaux sulfureuses, motivé par cette énorme sociabilité naturelle qu'il avait auparavant égarée. Je dois m'en remettre à Rémi pour le surveiller et je remonte la première me coucher à l'aurore, épuisée. Nous dormirons tous les trois dans le camion, gais comme des pinsons ~

 

Le lendemain, nous découvrons à la lumière du jour le site et ses habitants nomades. Au réveil, nous mangeons des fraises au soleil, nos vêtements de la nuit sèchent sur le capot brûlant ... 


CINQUIÈME JOUR : Nous passons la journée à lézarder dans cet incroyable décor. Je m'éloigne l'après-midi dans un champ désert avec ma serviette et m'endors en sous-vêtements sous les rayons du soleil et les kss-kss caractéristiques des insectes. Nulle âme qui vive dans cet endroit, seulement cette nature sauvage, sèche et chaude. En début de soirée, nous partons devant le mur de baffles pour danser dans le sable qui s'envole par vagues. Le son est si fort qu'il tambourine dans nos poitrines et je sens les salves rythmer mon corps. Autour de nous, beaucoup de drogués et je déplore certains états : je n'ai jamais apprécié la drogue . Je reste persuadée que le meilleur moyen de planer pour l'Homme passe encore par la pleine conscience des phénomènes qui le traverse. Le cadre est idéal, l'ambiance chaleureuse mais certaines silhouettes se détachent, l’œil hagard et vitreux, désabusées. Certains fêtards ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes et se mettent minable. J'aimerai les saisir par les épaules, leur mettre trois claques, relever de force leurs paupières closes et leur rappeler la chance extraordinaire qu'ils ont de pouvoir vivre. Dans une certaine mesure, les paradis artificiels quel qu’ils soient ( drogue douce ou dure, alcool ) constituent à mon sens une insulte insupportable à la Vie, une issue immature ; révélateurs de la faiblesse auto-destructrice de mon espèce. Mon cerveau est un miracle d'ingéniosité du vivant, il me permet de ressentir et de jouir, à chaque seconde. Lui imposer ces bidouillages chimiques, lui injecter ces merdes car je ne suis pas capable de comprendre comment retirer le maximum d'adrénaline et de dopamine par moi-même ... jouer inconsciemment entre ses différents câblages complexes pour agir sur ses neurotransmetteurs et neuromédiateurs , prendre le risque de ne jamais revenir de ce voyage hallucinogène et clamser de la façon la plus médiocre qu'il soit... c'est une idée que je ne cautionnerai jamais, ni pour moi ni pour les autres. Mes expériences personnelles passées démontrent que l'on peut vivre des moments bien plus jouissifs, transcendants et vertigineux qu'avec l'aide d'une béquille de ce genre ; c'est même bien souvent l'inverse que j'ai pu croiser. Des individus convaincus de mener la thuglife de leur rêves, d'être high H24, de franchir tous les tabous et les interdits, de se démarquer de la masse insipide ... et qui se retrouvent le plus souvent au plus bas de l'échelle, définitivement dépendant des autres et du trafic, dans une hygiène lamentable et relatant quelques histoires de cul fumeuses ou de bagarres absurdes. Entre tous, ce genre d'individus sont les moins libres que je connaisse, prisonniers d'eux-mêmes dont ils fuient constamment le reflet . Si cela ne concernait que leur propre vie, ce serait déjà réduire le problème de moitié : malheureusement, c'est l'environnement gravitant autour d'eux qui en paye le premier les conséquences .

 

Le site magnifique et naturel est jonché de détritus de toutes sortes, les poubelles s'amoncellent contre les arbres, déversant leur contenu qui se mêle à la chaleur écrasante. Les chiens, très nombreux et pour la plupart en mauvais état, les éventrent pour se nourrir. Je ne peux me concentrer sur la musique et l'effervescence lorsque je vois la souffrance silencieuse autour de moi. L'un d'entre eux est si maigre que toute son ossature ressort, il fouille avec véhémence le sol, dans une urgence qui me fait craindre le pire. La majorité des maîtres sont préoccupés par leur petite session de branlette cognitive, incapables de se prendre eux-mêmes en charge, alors des dizaines de chiens errent ci et là pour trouver de quoi boire et manger. Je cours acheter la seule chose comestible que je peux obtenir ici, une part de pizza ; je recherche ce chien noir aperçu il y a quelques minutes...impossible de le retrouver. Je retrouve les garçons, toujours perturbée du spectacle parallèle qui se joue devant nous. J'ai cette pulsion profonde de me saisir d'une bagnole et de renverser les baffles, de faire retentir ce silence mortifère dans lequel on entendrait enfin ces voix animales demander de l'attention et de l'aide. La colère remonte à nouveau, comme souvent dans ces situations d'injustice et de médiocrité humaine pour lesquelles je ne suis d'aucun secours. J'en touche un mot à Kevin qui, lui aussi, s'est aperçu des choses. Nous sommes maintenant devant ce mur de son avec Rémi et l'on aperçoit un petit chien au beau milieu de la mêlée. De grands chiens courant en tout sens lui font peur, il se fait bousculer et évite de se faire écraser. Jappant de détresse, il fixe son maître dont il ne parvient pas à se défaire. Son propriétaire, grand, en jean et avec un t-shirt rouge, se balance d'avant en arrière comme un idiot, l'ignorant totalement. Le petit est traumatisé et n'est pas capable de s'éloigner de lui, bien qu'il essaye à plusieurs reprises. Nous sommes plusieurs à voir la scène et à tour de rôle, certaines femmes viennent et le porte dans leurs bras quelques instants, pour le soulager de sa panique. Kevin et Rémi voient la scène et peu à peu, le malaise s'installe parmi les danseurs. Je me rapproche du chien, le caresse puis Kevin vient le porter. Je ne dis rien et observe le propriétaire. Je commence à trembler de fureur et je sais que je vais agir. Les animaux ont une dimension de l'affect propre à eux et voir celui-ci tant attaché à cet être humain, qu'il pense protecteur et attentionné et qui ne lui accorde pas même un regard... cette beauté et innocence dans ses yeux effrayés, bafouées sans scrupules ni remords par ce sale type. C'est insoutenable. Je porte à mon tour le frêle petit corps tremblant et me place dans le dos du propriétaire. Ce dernier est absorbé par le devant du mur de son. Petit à petit, je recule. Un mètre, trois mètres, dix mètres... les gens aux alentours observent sans rien dire. Puis je me retourne brusquement et cours.

 

Je trace une pointe en le serrant fort contre moi, j'essaye de le rassurer et j'observe son comportement. Il pourrait me mordre ou grogner, effrayé d'être ainsi enlevé à cet homme. J'arrive à l'extrémité du site, je dépasse le camion de Rémi et je m'accroupi dans les buissons pour me cacher, le chien sur mes genoux. Je sens son cœur battre à toute vitesse contre ma paume et il me regarde avec de grands yeux tristes, sans comprendre. Nous attendons ainsi quinze minutes lorsque le propriétaire atteint cette parcelle du site : lasse, il parcourt mollement du regard les derniers camions visibles puis fait demi-tour, retournant à sa vie. Lorsque le chien l'aperçut, je craignis qu'il n'aboie en le reconnaissant mais étrangement, il s'est tenu assis, sans bouger, sans faire de bruit. J'ignore si il avait compris mais son attitude m'indiquait qu'il se laissait faire et me faisait confiance. Le poids dans ma poitrine se fit plus lourd : il préférait ainsi la compagnie d'une simple inconnue avenante plutôt que réclamer celle de son propre maître. C'était révélateur. Nous attendons encore plusieurs minutes le retour de Rémi et Kevin au camion. Lorsque je les vois enfin rentrer dans le véhicule, je sors de ma cachette et cours les rejoindre. Ils ouvrent alors la porte et me découvre avec le chien dans les bras mais je fais une tête étrange. Je les regarde tous les deux puis je leur dit sur un ton décidé .

 

" Ce chien... je peux pas le rendre. Je peux pas le laisser ici, impossible. On l'emmène." 

 

Je leur confie l'animal quelques minutes et je pars lui acheter ce qu'il reste sur les stands provisoires : encore des pizzas. Nous mangeons tous les quatre dans le camion et surnommons le chien Timoune. Il est blotti contre moi sur la banquette, dans nos duvets. Nous discutons des solutions envisageables et Kevin comprend vite qu'il s'agit d'une de ces décisions que je prend et qu'il est impossible de remettre en question : lorsqu'il s'agit de la préservation des vies, animales ou humaines, je suis intraitable, entêtée et je relèverai tous les défis quelque soit le lieu ou le moment. Le voyage était d'office relayé au second plan et devenu un détail. Nous sommes en auto-stop et notre vol retour est prévu dans 2 jours, à 150 km de là. C'est tendu mais qu'importe, j'émet l'hypothèse que si nécessaire, j'annule mon billet retour, annule mon travail à Paris et reste une semaine de plus, le temps de trouver une solution ; ou encore de rapatrier le chien à Paris par train et lui trouver une famille d'accueil là-bas. Il était impossible pour moi de le garder car je vis déjà avec un chat. Rémi regrette aussi de ne pas pouvoir le prendre. Finalement, je trouve sur internet un refuge animal à 25km de Grenade : nos chances d'auto-stop avec un chien et nos dégaines de baroudeurs sont quasi-nulles mais nous tenterons le tout pour le tout le lendemain. Nous chercherons le moyen de rejoindre Grenade puis de se rendre à Fuente Vaqueros, une petite ville très peu peuplée pour leur confier Timoune puis rejoindre Malaga le plus vite possible et ne pas rater notre vol. Le voyage prend dès lors un nouveau virage et je suis anxieuse durant notre dernière soirée en compagnie de Rémi, je me sens responsable de ce petit bout à quatre pattes d'origine andalouse. 

SIXIÈME JOUR : C'est l'heure de dire au revoir à notre ami. En nous raccompagnant à l'entrée des champs d'oliviers, nous croisons entre deux allées le cadavre récent d'un chien. Je porte tout de suite Timoune dans mes bras pour éviter qu'il ne le voit et je serre les dents, doublement convaincue du bien fondé de notre initiative. Nous rencontrons un français qui accepte de nous remonter à Grenade avec le chien alors nous saluons Rémi et gardons son contact, le remerciant encore de sa gentillesse et de sa sympathie. Le conducteur est un artiste itinérant qui vit dans les grottes de Sacromonte et il nous dépose au centre de la ville. S'ensuit une longue errance pour trouver en priorité de la vraie nourriture pour le chien et faire une pause ravitaillement : nous utilisons nos lacets noués pour lui faire une laisse et lentement, nous progressons dans la ville . Une halte dans un fast-food nous permet de faire manger en terrasse Timoune et j'en profite pour me laver les cheveux dans le lavabo de leur W.C . Les clients sont abasourdis de me voir la tête plongée sous le robinet avec ma serviette sur les épaules mais le regard des autres est le dernier de mes soucis aha 

J'essaye de contacter le refuge par téléphone pour les prévenir de notre arrivée, sans succès. L'auto-stop s'avère impossible avec le chien, aucuns moyens de transports ne dessert la ville de Fuente Vaqueros et la soirée débute : le stress commence à monter. Je n'abandonne pas et pénètre dans une boutique d'animalerie : je leur explique notre situation et leur demande de l'aide pour contacter un taxi. Tant pis si j'y laisserai plusieurs billets. La vendeuse, très gentille et compréhensive, appelle un chauffeur en lui détaillant notre histoire. Il nous récupère sur le trottoir et nous sympathisons dans la voiture : une fois arrivés, le refuge est fermé et aucun personnel n'est présent, nous sommes désemparés. C'est alors que le chauffeur gare son véhicule et nous aide en cherchant des habitants pour leur demander un toit pour la nuit et des renseignements. Quelqu'un nous indique qu'un homme de ménage est censé venir le lendemain matin à 8h mais que le refuge sera fermé toute la journée également. La situation est critique, nous remercions le conducteur qui nous donne son contact Facebook et numéro personnel en cas de pépin : il s'appelle Pablo Salvador Llanos. La voiture redémarre et nous voilà seuls, entourés de pénombre dans un village désert et un temps orageux qui s'annonce . Nous repérons une carcasse de maison brûlée et décidons d'en forcer l'entrée pour y passer la nuit et retenter notre chance le lendemain. L'intérieur est digne d'un film d'horreur, les charpentes dénudées laissent apparaître la structure fragile, des bestioles grouillent sur le sol et il est impossible de se réchauffer avec un feu. Nous nous réfugions tous les trois sous la tente et mangeons les denrées qu'il nous reste, épuisés. La nuit aura été très longue car je fus incapable de fermer l’œil, serrant Timoune contre moi , redoublant mes câlins et bisous : je redoutais que l'on ne puisse le déposer le lendemain et que ce sauvetage ne se transforme en un périple trop pénible et épuisant pour le chien. Nous nous sommes attachés très vite à lui, heureux de l'éloigner de cette indifférence et négligence humaine. Mes nerfs lâchent un peu et je verse quelques larmes d'appréhension et d'inquiétude. 

 

SEPTIÈME JOUR : Le bruit d’une voiture nous réveille brutalement. L’homme de ménage est en avance, nous avions pourtant mis une alarme sur nos téléphones. Si nous loupions son arrivée au portail, il serait très dur de le contacter une fois l’enceinte franchie. Je me lève précipitamment et j’attrape Timoune, chargeant Kevin de replier les affaires et de ramener les sacs le plus tôt possible. La voiture est déjà garée dans l’enceinte et le portail s’est refermé. Déterminée, je passe sur un terrain privé pour rejoindre l’arrière de l’enceinte, au plus près des barbelés et je sors un sifflet ainsi que ma lampe torche. Faisant des signaux de lumières sur la façade, je hurle de toutes mes forces “ AYUDA POR FAVOR !! ” en alternant avec les coups de sifflets stridents et agitant les bras au maximum. Pour effet, tous les animaux se réveillent et hurlent. J’aperçois une silhouette arpenter un couloir à travers les vitres épaisses mais celle-ci ne me voit pas ni ne m’entend. Kevin rejoint l’entrée avec nos affaires, et j’aperçois le portail ouvert : nous entrons rapidement mais sommes bloqués à nouveau par un plus petit portail dans l’enceinte, sans interphone. Nous voyons en face de nous un sas extérieur d’accueil pour les animaux avec des niches et des gamelles. En dernier recours, je commence à imaginer que nous pourrions l'y déposer en l'aidant à passer par dessus le grillage mais je serais incapable de tourner les talons et de l'y laisser seul sans avoir la certitude qu'il serait bien pris en charge. Je me rend sur la page Facebook du refuge nommé " Protectora de animales y plantas de Granada " et j'inonde littéralement leurs interfaces du même message : messagerie, espace commentaire, espace publications, mur principal... je trouve un numéro de portable à contacter et réitère l'opération. Il s'agissait du numéro de la directrice du refuge, de repos ce jour là . Celle-ci avait contacté l'homme présent sur les lieux pour venir nous voir mais sans nous prévenir de la bonne réception de notre texto. Lorsque celui-ci vient à notre rencontre, je vois que malgré mes explications, il n'ouvre pas le portail et nous dit qu'il n'est pas autorisé à le faire. Mon espagnol n'aura pas suffit à comprendre qu'il attendait en réalité l'arrivée de la directrice et que nous pourrons ensuite rentrer : pensant d'abord à un refus, mes nerfs explosent. Je trouve des ressources d'espagnol insoupçonnées ( désormais, je sais que l'alcool n'est pas le seul agent actif pour remobiliser des connaissances que l'on croyait perdues, la colère aide également beaucoup aha )  Devant mes larmes de fureur, le gardien est dépassé et prend son temps pour nous réexpliquer sa version. Dans le même temps, je reçois un texto de réponse : " Je suis la directrice, j'arrive. 

 


Nous voyons une femme d'une cinquantaine d'année, blonde, arriver sur le site avec sa fille. Elle nous ouvre rapidement et se rapproche de Timoune pour un premier contact. Me voyant effondrée et en larmes, elle me rassure : ils n'ont plus de place au refuge mais dans ce cas exceptionnel, ils vont le prendre. Je me répands en excuse de l'avoir fait venir durant la fermeture et en remerciements sincères. Je suis si soulagée que je continue de trembler un bon moment. L'homme de ménage vient faire des caresses au chien et m'adresse un sourire. Notre petite boule de poils est épuisée mais semble comprendre que quelque chose de positif est en train d'arriver. Son comportement craintif et abattu confirme à la directrice qu'il a subi des maltraitances. Je règle les formalités administratives pour le faire entrer et paye une centaine d'euro au total avec le taxi. C'est peu cher payé pour cette adorable créature et aucun prix ne pourrait concurrencer une vie . Je découvre une gérante extrêmement humaine et adorable qui nous montre le refuge : l'endroit est propre et très beau. Elle m'explique que Timoune devra intégrer quelques jours la cage d'un autre chien de son gabarit, faute de place. Nous sentons que les adieux approchent et tous avons la boule au ventre. La directrice nous abandonne à l'entrée du couloir " Je ne viens pas avec vous quand vous lui dites aurevoir, à chaque fois que les gens le font, je pleure et je ne m'arrête plus, c'est trop triste." Fébriles, Kevin et moi pénétrons dans sa cage pour le rassurer une dernière fois, le couvrant de baisers . C'est très dur de réaliser que nous allons nous séparer et je peine à le lâcher. Nous finissons tous les deux par pleurer d'émotions et rejoignons l'équipe du refuge. Mes larmes continuent de couler par flots et je me rassure en me disant que j'ai fait ce qu'il fallait ; je regarde une dernière fois cet endroit accueillant et sécurisé et je suis heureuse pour ce chien à qui je souhaite le meilleur dans sa nouvelle vie. Touchées par notre geste, la gérante et sa fille nous propose de nous déposer en voiture près de Grenade pour nous permettre de reprendre l'auto-stop en direction de Malaga. Nous apprendrons dans l'après-midi que le vétérinaire a évalué l'âge de Timoune à trois ans et demi et rajoute que c'est un chien adorable. Un an plus tard en les recontactant, j'apprends cette fois que Timoune a été adopté. 

 

Nous recevrons plus tard des photos de Timoune de leur part, prises au refuge avant son adoption. Il est souriant et joueur, bien différent de l'état dans lequel nous l'avions récupérés. 

 


 

 

Nous arrivons sur une aire de repos à l'entrée d'une départementale et décidons de récupérer de nos émotions dans une brasserie-restaurant. Je file aux toilettes pour me nettoyer le visage brouillé de larmes et de mascara tandis que Kevin passe commande pour manger. En début d'après-midi, après une heure d'auto-stop infructueux, nous sommes abordés par deux jeunes hommes qui mangeait en terrasse . Ils nous demandent notre destination...et acceptent de nous prendre directement pour Malaga ! Quelle aubaine, nous n'aurons pas à faire le trajet en plusieurs fois. Yannick et Javi sont deux entraîneurs de tennis et l'un d'eux partait jouer un match professionnel à Malaga le jour même : nous sympathisons tous les quatre très rapidement et ils offrent même de quoi fumer à Kevin, qui en est ravi aha Ce sont nos derniers auto-stoppeurs et nous sommes vraiment heureux d'avoir croisé la route de toutes ces personnes bienveillantes, simples et généreuses.

 

Enfin de retour dans cette ville, nous décidons de prolonger l'aventure en grimpant les montagnes environnantes pour une dernière nuit sauvage avant le vol de demain matin . Nous allons dans un grand magasin local et achetons plusieurs sacs de nourriture dont un grand cageot de fruits pour nous faire plaisir puis nous nous dirigeons vers la sortie de la ville . Nous ignorons notre direction exacte mais nous voyons de petites montagnes verdoyantes qui nous attirent. A l'entrée de l'autoroute Nord nous découvrons un chemin qui s'échappe dans la forêt épaisse. En l'empruntant, on remarque alors un vieux pont de pierre, très élevé, qui relie deux flancs de montagne : pour le rejoindre il faudra néanmoins longer un étroit et long couloir de grillage traversés de branchages. Au bout de celui-ci que nous arpentons difficilement, le vide se dresse, séparé en deux par ce mince chemin de pierre. Après l'avoir franchi, nous atteignons le sommet de la montagne qui surplombe la ville, avec nos lourds sacs de courses.

 

Mais pour ce dernier feu de camp, nous voulons faire un banquet de rois !

 

Le spot est trouvé, Kevin part chercher une source d'eau tandis que j'installe le feu et profite du coucher de soleil. A son retour nous démarrons le brasier et faisons cuire nos repas. Pour marquer la dernière étape de notre voyage, je prend nos pancartes d'auto-stop et fabrique un panneau que nous planterons fièrement au pied de la tente . La musique berce cette soirée, les lumières de la ville sont à notre chevet. 


HUITIÈME ET DERNIER JOUR : Les premiers rayons apparaissent et nous replions notre tente pour la dernière fois dans la fraîcheur matinale. Il est temps de redescendre à la ville pour rejoindre l'aéroport. Je ferais une dernière halte dans le centre ville pour flâner au marché puis je retrouverai Kevin dans le train en partance pour notre avion, avec une dernière petite embrouille enfantine comme nous savons tous les deux le faire. L'engin décolle et nous quittons cette portion de terre singulière. Je sais dès lors que l'Andalousie sera ma première destination lorsque je vivrais sur les routes.

 

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